EMDR, un outil pour la gestion des émotions

[Article initialement paru dans le magazine LE CHOU BRAVE n°10]

titicacaEMDR = Eye Movement Desensitization and Reprocessing = Désensibilisation et reprogrammation par le mouvement des yeux.

Il s’agit d’une technique particulièrement utilisée dans le cas de chocs post-traumatiques – catastrophe naturelle (tsunami, tremblement de terre…), traumatisme physique ou psychologique (accident, agression, viol, perte brutale d’une personne proche…).

Son efficacité réside dans la stimulation des deux hémisphères du cerveau associée aux émotions vécues lors du choc, afin de les « refaire passer » dans le circuit de traitement « normal » des émotions.

En effet, comment fonctionne notre cerveau en cas de choc émotionnel/psychologique « trop » important ? Il va court-circuiter tout son mode de fonctionnement habituel pour mettre l’émotion générée « de côté ». C’est vital, le choc pouvant être trop brutal à accepter par la personne… Son psychisme serait en danger et le corps met donc en place un mécanisme de survie très efficace, couplé à tout l’arsenal de gestion du stress de type « lutte ou fuite » que nous avons hérité de nos ancêtres (décharge d’hormones pour anesthésier la douleur éventuelle tout en favorisant l’action urgente à mettre en place : courir pour échapper au danger, se battre pour sauver sa vie ou celle d’autrui…/ mise en arrière des sensations et émotions non nécessaires à l’action immédiate, etc.)

En ce qui me concerne j’ai expérimenté ce mode de fonctionnement à quelques reprises, et j’ai donc pu en observer les effets. C’est quand j’ai commencé à me renseigner sur l’EMDR que j’ai découvert le fonctionnement du cerveau, grâce à la lecture des descriptions assez précises de ce qui m’était arrivé : la première réaction est d’agir et rien d’autre n’existe, le « traumatisme » est réellement mis de côté pendant un temps plus ou moins long (l’entourage peut notamment être impressionné par la capacité à « gérer » le quotidien ou les diverses démarches par la suite, au point de se retrouver à rassurer d’autres personnes qui semblent plus touchées que nous par un événement qu’elles n’ont pourtant pas vécu).

Puis le souvenir peut se raviver plus ou moins douloureusement, comme il peut être purement et simplement « oublié ». Dans les deux cas, pour que l’on vienne à nommer cela un « choc post-traumatique », c’est parce que bien que nous ayons l’impression qu’il s’agit du passé, et que nous pensons que c’est terminé en nous, ce n’est pas vraiment si simple.

Toute l’émotion qui est restée « bloquée » pendant le choc est toujours à la même place, en attente de traitement. La conséquence est qu’elle peut être « réactivée » à tout moment ! On observe alors des réactions passablement démesurées, disproportionnées, à des évènements qui n’ont en apparence pas de raison de nous faire réagir ainsi. Cela peut être le comportement d’une personne, un geste, un bruit, une odeur, une parole, ou une autre émotion qui déclenchera une réaction en chaîne que nous sommes souvent bien incapable d’identifier. Je me suis vue me mettre à pleurer sans raison dans telle situation, à me refermer sur moi-même physiquement comme mentalement dans telle autre, et toutes sortes de réactions plus ou moins inattendues n’ayant comme point commun que leur inadéquation apparente avec la situation.

 

Comment agit l’EMDR ?

De ce que j’en connais, une seule à trois séances suffisent généralement pour un choc « ponctuel » identifié1. L’idée est tout d’abord de se créer un « lieu refuge » mental, de le visualiser au point de sentir que nous pouvons nous y réfugier dès que le besoin s’en fera sentir, si nous nous sentons dépassé par ce qui nous arrive ou si nous souhaitons faire une pause pour récupérer de l’énergie. Ensuite le thérapeute qui accompagne nous guide afin d’activer en nous l’émotion, de manière directe ou indirecte. Cela peut être en repensant à l’évènement d’origine, mais cela marche tout aussi bien avec n’importe quelle situation qui réactive la même émotion, ce qui peut être plus facile à gérer dans certains cas, et même la seule solution quand la situation d’origine n’est pas remémorable, soit parce qu’elle était étalée dans le temps et/ou répétée, soit parce que nous l’avons refoulé dans notre inconscient.

La reconnexion avec l’émotion dure en théorie très peu de temps en tant que tel : il n’est absolument pas nécessaire de revivre mentalement la scène à l’origine de la perturbation, c’est tout l’intérêt de cette méthode. Dès que nous sommes bien connectés à nos ressentis, à cette « émotion », le thérapeute guide notre regard de droite à gauche et de gauche à droite, à plusieurs reprises, jusqu’à ce que nos ressentis évoluent (il existe aussi une méthode dite du « taping », ou ce ne sont pas les yeux qui sont sollicités mais le sens du toucher, en tapotant en alternance deux parties symétriques du corps, les cuisses par exemple). Le processus peut s’opérer en plusieurs fois, avec des pauses dans notre lieu refuge, ou en une seule, il n’y a pas de règle à ma connaissance, seulement une écoute attentive en soi et un accompagnement bien présent du thérapeute. L’accompagnement se fait jusqu’à un retour à la normale de l’état de la personne, et un échange permet de mettre en lumière ce qui s’est passé.

Le processus est achevé lorsque la visualisation d’une situation qui habituellement déclenche l’émotion démesurée ne provoque plus de réaction particulière, non cohérente par rapport au contexte… Nous sommes alors libérés et pouvons recommencer à vivre sereinement, sans crainte de nos réactions « incompréhensibles » et sans plus avoir peur de telle ou telle situation.

L’avantage annexe est que l’on peut ensuite mettre en action cet apprentissage dès que nous vivons une situation provoquant un trop grand stress à nos yeux ! Cela m’est arrivé régulièrement depuis les années où j’ai fait mes séances d’utiliser mon lieu refuge pour me stabiliser émotionnellement, ou de faire bouger mes yeux d’un côté à l’autre – plus ou moins volontairement, comme si mon corps avait enregistré au fur ét à mesure l’efficacité du procédé et qu’il se l’était approprié –, ou de fixer mon attention alternativement sur les deux côtés de mon corps… Cela m’a notamment été vraiment utile suite à un accident de la route ainsi qu’à l’annonce de certaines nouvelles particulièrement difficiles à entendre.

Ayant fonctionné majoritairement dans le « blocage émotionnel » pendant une grande partie de ma vie, je ne peux pas être certaine que je suis à l’abri de retrouver un jour une situation qui provoquera de nouveau une réaction démesurée. Mais aujourd’hui non seulement j’en ai désactivé une grande partie, mais j’ai également appris à comprendre d’où cela venait, ce qui se passait en moi alors, et à le désamorcer autant sur le moment que pour la suite. Un peu comme si tout ce que j’ai testé pendant plusieurs années pour « trouver mon équilibre » me servait au moment où c’est nécessaire. Tantôt je vois ressurgir l’EMDR, tantôt c’est l’EFT (dont j’ai seulement quelques bases, mais c’est suffisant pour « évacuer » certaines émotions rapidement, il me semnle plutôt pour des émotions qui ne m’appartiennent pas, type transgénérationnel ou ce que je peux « attraper » d’une autre personne…), tantôt j’utilise de profondes respirations, ou encore je prends le temps de me recentrer en méditant et en demandant à ma guidance intérieure autant qu’à mes anges gardiens de m’aider à comprendre et gérer la situation.

Il existe sans aucun doute de nombreuses méthodes, je pense que chacune à son intérêt selon la situation et la personne concernée. Dans tous les cas je prends de plus en plus soin d’agir rapidement dès que je perçois quelque chose en moi qui veut « sortir », soit par la parole, soit par l’une des méthodes ci-dessus, parfois juste en pleurant ou extériorisant (par un cri ou autre, puisque certaines chutes très douloureuses incluent une bonne part de peur cette dernière gagne à être exprimée sur le moment par un son quelconque, ce qui évite d’ajouter cette accroche à l’évènement : la douleur est tout de suite plus gérable, et le risque d’être paralysé de peur dans une situation similaire dans le futur est fortement réduit).

A mes yeux tout outil quel qu’il soit doit nous permettre de comprendre le(s) processus en jeu, de mieux se connaître, de sentir rapidement un mieux dans notre état général, et avoir pour but d’être plus autonome dans la gestion de ce que nous vivons. En cela l’EMDR m’a été d’une grande aide, et les seuls reproches que je pourrais trouver seraient (il y a quelques années en tous cas, je ne connais pas la situation actuelle) la difficulté pour trouver un thérapeute – disponible et qui nous convienne qui plus est – et le coût. Certes, en réfléchissant à tous les bénéfices ce n’est pas forcément si élevé, mais c’est tout de même conséquent et donc pas réellement à la portée de tous…

Je fais donc le vœux que la technique se développe et se démocratise via des personnes impliquées et motivées, et qu’un jour nous puissions avoir accès à tous les outils de prévention et de guérison qui permettent de vivre mieux et donc de nous consacrer à ce pour quoi nous sommes faits : vivre en joie et en harmonie et créer chaque jour un monde à la hauteur de nos rêves les plus heureux !

 

Quelques liens pour compléter ce témoignage qui n’est que ma vision de l’EMDR, ce que j’en ai compris et retenu après recherches et expérimentations :

http://www.emdr-france.org/

http://www.psychologies.com/Therapies/Toutes-les-therapies/Therapies-breves/Articles-et-Dossiers/EMDR-le-vrai-mode-d-emploi

http://www.cles.com/enquetes/article/se-soigner-autrement-les-7-1-methodes-du-dr-david-servan-schreiber

http://www.essentia.fr/therapie-emdr/ressources-emdr/mechanisme-daction-emdr/

 

1Pour un descriptif plus complet des étapes théoriques : http://fr.wikipedia.org/wiki/Eye_movement_desensitization_and_reprocessing

Laisser un commentaire